POINT FORT
«Une croissance rapide repose sur des personnalités»
La spin-off de l’EPFL Nexthink fait figure d’exception dans l’écosystème des start-ups suisses. Le fondateur et CEO Pedro Bados dévoile quelques clés du succès.
Nexthink, spin-off de l’EPFL fondée en 2005, propose aux entreprises un système informatique intelligent permettant de monitorer en temps réel toute l’activité de leurs postes de travail et de générer automatiquement des solutions aux problèmes connus. Un gain de temps considérable pour ses clients, parmi lesquels on trouve de nombreuses multinationales comme Adobe, Commerzbank ou Western Union. Le fondateur et CEO Pedro Bados nous livre quelques-uns des secrets de ce succès.
Où en êtes-vous aujourd’hui?
Nous avons 600 employés, dont 200 à Lausanne et Zurich et le reste à l’étranger, notamment à Boston, Londres et en Inde. Notre système équipe plus de 7 millions de postes dans près de 1000 entreprises et la croissance est de 80% par an. Nous visons les 1000 employés d’ici la fin de l’année prochaine.
Quelles ont été les étapes clés de ce succès?
Il y a eu trois grandes étapes, étroitement liées aux levées de fonds. Nous avons eu la chance d’avoir nos premiers clients dès la création de la start-up. Nous avons sorti notre logiciel très tôt, en version bêta, et il a été apprécié. La première phase, axée sur le développement du produit et d’un marché, a ensuite duré environ six ans. Un peu trop à mon goût. Nous sommes restés relativement locaux: Suisse, France, Allemagne avec un chiffre d’affaires annuel de cinq millions de francs et 30 à 50 employés. Peut-être n’avons-nous pas pensé assez global durant cette période ? Puis, en 2011 et en 2016, nous avons finalement obtenu des levées de fonds de 40 puis 85 millions de francs, principalement auprès de fonds étrangers, qui nous ont permis de passer à la vitesse supérieure et d’investir les gros marchés étrangers.
Comment avez-vous convaincu les investisseurs au démarrage de l’entreprise?
La personnalité est un facteur clé. Les investisseurs ont été clairs. Au départ le produit ou l’idée ne sont pas le plus important. Bien sûr, il faut une technologie qui tienne la route, mais les investisseurs savent parfaitement que l’on va se repositionner, modifier notre produit. Ce qui les intéresse, c’est de savoir si les fondateurs de l’entreprise ont suffisamment d’ambition et de résistance face à la tâche qui les attend. Pour les levées de fonds suivantes, le critère de la personnalité est un peu moins central, la qualité du produit et le business plan passent en priorité.

Pedro Bados, fondateur et CEO de la spin-off Nexthink.
© DR
Au départ, quelles étaient vos ambitions?
D’emblée, la perspective était une entreprise à forte croissance. Je pense d’ailleurs qu’il faut se positionner dès le départ: PME ou entreprise multinationale? Les étapes ne seront pas les mêmes, ni l’investissement en temps.
Quels ont été les premiers défis que vous avez dû relever?
L’un des points d’achoppement en décidant de rester dans la région a été le recrutement de personnes ayant déjà vécu l’expérience d’une entreprise en phase de croissance rapide. De plus, les investisseurs permettant de mondialiser l’entreprise ne sont pas légion par ici. Il a donc fallu que nous allions voir à l’étranger.
Pourquoi n’y a-t-il pas davantage de succès comme le vôtre en Suisse?
Avec ses 600 employés, Nexthink est une des plus grosses start-ups du pays. Cependant aux Etats-Unis, ou même en Angleterre, elle serait considérée comme de taille moyenne, voire petite. Il manque ici de l’ambition et un contexte économique. Pour l’instant, il n’y a pas de véritable culture start-up en Suisse. Le risque n’est pas encore entré dans la culture. Pour voir davantage de gros succès émerger, il faut encore qu’un écosystème se crée. Cela entraîne ensuite un effet boule de neige. Ces entrepreneurs servent de modèles pour d’autres qui émergent et les succès attirent davantage de gros capitaux.